À la barre, R. D., 20 ans, les épaules voûtées, tourne frénétiquement les pouces, prêt à assumer ses responsabilités. Vêtements noirs, cheveux mi-longs. L’air d’un rockeur et ce visage enfantin qui tranche avec les faits qui lui sont reprochés. Le jeune homme au casier judiciaire vierge comparaît pour apologie du terrorisme.
En janvier, la France est touchée par une série d’attaques meurtrières contre Charlie Hebdo, une policière et un supermarché casher. Sur sa page Facebook, R. D. publie plusieurs vidéos tendancieuses et laisse des commentaires pour le moins provocateurs. Un exemple : « Charlie Hebdo, ça rime avec mytho ». Certains propos sont insultants à l’encontre des policiers, quand d’autres tirent vers l’antisémitisme. À l’époque, il est agent en informatique dans un lycée. Quelques jours plus tard, il supprime l’ensemble des publications.
Une maladresse
Dix mois plus tard, les mots haineux ont laissé place à une voix calme et à un mea culpa en bonne et due forme. « Ma femme est musulmane. Je me suis senti offensé par tout ce qui a été dit sur la communauté musulmane. J’ai agi dans le feu de l’action et sous l’effet de la colère. »
Pour lui à aucun moment, il n’a été question d’apologie. Non, il n’a jamais adhéré à ces actes terroristes. Oui, il est adepte de l’humour noir. En publiant ces messages, sa motivation était tout autre… « Je voulais ouvrir un débat, mais ce n’était pas la bonne façon. Je n’avais pas conscience du poids de mes paroles. Je regrette. » Le féru d’informatique justifie une maladresse. « Entre-temps, Facebook a changé ses paramètres de confidentialité. J’ai pas fait attention à ce que ma page soit visible de tous. » Son avocat, Me Pierre-Jean Gribouva plaide la relaxe en reprenant le fond et la forme de chaque capture d’écran de la prévention. Il admet des publications « moralement blâmables », mais soutient qu’il n’y a pas d’apologie. « P our moi c’est prôner quelque chose, en faire la publicité… R. D. n’est pas un prêcheur de quoi que ce soit, en tout cas pas de terrorisme. »
Thierry Taillet, procureur de la République, veut mettre R. D. face à ses responsabilités et requiert 6 mois de prison avec sursis. « Quelle ouverture de débat y a-t-il ? Il connaît les mots et leur sens. Les insultes, le délire complotiste n’ont rien à voir avec un quelconque débat ! » Le tribunal veut croire que R. D. a compris la leçon et en ses chances de réinsertion en le condamnant à 1 500 € d’amende.