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Palmyre ou le cinéma d’Obama.
Palmyre ou le cinéma d’Obama.
Le cinéma n’est pas à Cannes où la foule contemple la montée des marches. Il est dans le monde où les peuples regardent l’agitation de ceux qui sont censés les diriger et qui font leur cinéma. Pendant qu’Obama ravit les gogos en compagnie de la « first lady », fait les magasins, crée un compte Twitter, ou se prend des « selfies », les ravages de sa politique envahissent le monde réel. Mais, sur les écrans on projette le film d’une guerre simulée contre l’ennemi mondial, le terroriste infiniment cruel qu’aucune force ne semble pouvoir arrêter. Ce n’est pas du James Bond ni du Batman, mais Al Bagdadi échappe aux drones, et ses armées de fanatiques bousculent toute résistance. Le « méchant » gagne. Le monde a peur. Exécutions barbares, massacres, destructions provocantes de chefs-d’oeuvres. Tout cela cela ressemble à une fiction. Devant l’envahisseur, l’Etat islamique, qui justement n’est pas un Etat, mais une organisation non gouvernementale dont personne ne reconnaît la légitimité, les forces coalisées de plus de 22 pays sont impuissantes. Où est donc passé le héros qui doit sauver le monde ?
Des otages occidentaux sont assassinés, des Chrétiens présents dans cette région du globe, plusieurs siècles avant que Mahomet ne prétende avoir reçu un livre que Dieu aurait fait descendre sur lui, sont chassés, réduits en esclavage ou martyrisés, des monuments sont détruits, des ressources naturelles accaparées, des trafics organisés. Le mal semble s’étendre inexorablement du désert vers les deux capitales historiques des califats omeyyade et abbasside, Damas et Bagdad, fâcheuse répétition de l’histoire qui doit nourrir bien des prédications et enflammer les imaginations jusque dans nos banlieues. Des tentacules se projettent comme en Libye ou au Yemen. Des ralliements s’opèrent. Des réseaux s’infiltrent dans nos quartiers où de nouveaux Merah, Kouachi ou Koulibaly attendent leur heure. Et on veut nous faire croire que devant ce désastre, conscients des périls sur leur propre sol, les pays les plus puissants et les plus riches de la planète sont incapables de terrasser l’adversaire, voire de l’anéantir ? Il a fallu quelques jours pour mettre à genoux la Serbie, pour déloger Saddam Hussein et pour en finir avec Kadhafi, qui régnaient sur des Etats, et ce serait impossible avec le prétendu Etat islamique ? Mesure-t-on les répercussions dans l’esprit de beaucoup de musulmans d’une telle apparence d’invincibilité ? Or, on ne fait à l’Etat islamique qu’une apparence de guerre, avec des avions et des drones, mais sans troupes au sol. Quels en sont les résultats ?
La duplicité de la politique américaine devient chaque jour plus évidente. La coalition aérienne comprend les Etats-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, et la plupart des monarchies sunnites du Golfe au Maroc. Les islamistes qu’elle prétend combattre sont aussi des Arabes sunnites. Dans les airs et au sol, ceux qui s’opposent vraiment à eux sont des Arabes Chiites, Alaouïtes, Chrétiens, des nationalistes syriens ou des Kurdes. L’Iran chiite est à leurs côtés. La puissante Turquie néo-ottomane, membre de l’Otan et candidate à l’Union Européenne soutenue par Obama pourrait à elle seule écraser le « califat ». Elle le soutient dans cette région qui a échappé à son emprise lorsqu’après la défaite de 1918, les frontières de la Syrie et de l’Irak ont été tracées par le Royaume-Uni et par la France. Les djihadistes notamment « français »rejoignent les combats en passant sur son sol. Les islamistes blessés y sont soignés. Les trafics se font à ses frontières. De mauvais gré, sous la pression américaine, les Turcs ont laissé arriver les renforts kurdes à Kobané. Il n’en est pas de même pour la Syrie de Assad que Turcs et Américains veulent achever. Il est difficile de croire en la bonne foi de nos « amis » lorsqu’ils sont plus acharnés à combattre les ennemis de nos ennemis que les ennemis eux-mêmes. Renforts et armes parviennent aux adversaires du régime de Damas, et donc aident l’Etat islamique de fait.
Le problème n’est donc pas de savoir si l’Occident voudra sauver Palmyre et en finir avec les salafistes de Mossoul, mais de comprendre pourquoi il ne s’en donne pas les moyens. Les Américains ont besoin d’un ennemi diabolique pour justifier le messianisme de leur politique. La noirceur de leur ennemi blanchit leur image. Depuis la chute de l’URSS, ils étaient en manque, et le djihadisme qu’ils avaient créé en Afghanistan, a pris le rôle. C’est toutefois un adversaire plus délicat à manier. Contrairement au bon vieux dictateur laïque et néanmoins totalitaire, le religieux est respecté dans la tradition américaine, d’autant plus lorsqu’il se réclame des mêmes principes, wahhabites, que l’allié saoudien, ce « daesh » qui a réussi grâce à l’appui de Washington, comme le rappelle Zemmour. Alors, les Etats-Unis se retrouvent avec deux cibles, opposées l’une à l’autre, celle qu’ils préfèrent, plus classique, à Moscou et Damas, et l’autre, qui pourrait tellement servir à une recomposition de la géographie du Moyen-Orient, avec l’aval de la Turquie et le soutien du Golfe. C’est pourquoi il faut détruire Assad et non Al Baghdadi, semble-t-il… En attendant, comme chez Orwell, les peuples ont droit sur leurs écrans aux deux minutes de haine contre « daesh », qu’on fait semblant de bombarder. Tout est pour le mieux dans les meilleures démocraties du monde…
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