• Lettre à ceux qui ont verbalisé et condamné la vieille dame...

    Lettre à ceux qui ont verbalisé et condamné la vieille dame atteinte d’Alzheimer (Par Jean-Paul Pelras)

    Madame, Monsieur.

    « Souvenez-vous », en avril dernier vous avez verbalisé, du côté de Vesoul, une dame âgée de 73 ans qui se rendait dans un supermarché à 800 mètres de son domicile. 

    Elle n’était pas en train de braquer une bijouterie, ni une banque, encore moins de fourguer du shit, de piquer une bagnole ou de siphonner un peu d’essence. Comble de l’innocence, elle ne participait même pas à une manifestation et s’était juste trompée de date sur l’attestation.

    Peut-être, tout simplement, car, petit à petit, elle ne se souvient plus de l’endroit où elle range les petits cailloux de sa vie. Alors, bien sûr, vous avez verbalisé. Plus récemment, la justice a d’ailleurs courageusement transformé l’essai en condamnant la vieille dame à s’acquitter d’une amende, de surcroît majorée. Il est vrai que cet argent, 166 euros précisément, sera d’une grande utilité à l’Etat qui s’empressera peut-être de le reverser à ceux qui ont tous les droits, y compris celui de ne jamais respecter les lois.

    Prélever sur la retraite d’une personne équipée de 73 annuités une dime pour non détention du bon laisser-passer relève sans doute de la bravoure, de l’héroïsme, de l’audace, de l’intrépidité. D’ici quelques temps nous apprendrons peut-être que vous avez été promus chevaliers dans l’Ordre du mérite et de la témérité. Même si, autant l’avouer, à la lecture de ce grand fait d’armes, je n’ai pu m’empêcher de réécouter Brassens nous fredonner son fameux « Gorille » qui « au lieu d’opter pour la vieille comme aurait fait n’importe, saisit le juge à l’oreille pour l’entrainer dans un maquis » ….

    Partie de Haute Saône, l’affaire fit grand bruit car, même en contournant dix fois le tas de fumier, personne, de toute évidence, n’est parvenu à trouver la moindre circonstance atténuante aux fins limiers de faction et à ceux qui ordonnèrent, in finé, ladite pénitence. Beaucoup, pour qualifier votre expédition devant l’aïeule dangereusement équipée d’un panier à provisions ont usé d’allégories ornithologiques que le respect et la révérence pour votre fonction m’interdisent d’employer ici.

    Il n’en demeure pas moins que votre zèle, mâtiné de cécité à l’égard d’une personne victime d’amnésie, relevé de la plus inadmissible crétinerie.

    Peut être atteints du syndrome de Milgram et du consentement à l’autorité, avez-vous, dans un élan de suivisme, voulu servir le pouvoir en jetant votre dévolu sur celle qui n’avait ni les moyens de répliquer, ni les mots pour contester.  Ce manque de discernement, celui que beaucoup subissent depuis le début du confinement, dessert l’autorité, y compris quand il est le fait de municipaux. Il exacerbe les tensions et confère à votre profession une image dévoyée. Récemment, pour dénoncer les propos du chef de l’Etat concernant la discrimination, des syndicats de policiers ont prôné la grève des attestations. Une initiative salutaire dans le climat délétère du moment où nous attendons, effectivement, des forces de l’ordre et dans le climat d’insécurité plus que prégnant, autre chose que des verbalisations inappropriées et des réprimandes adressées par quelques jeunes godelureaux à ceux qui méritent, compte tenu de leur âge avancé, non pas l’outrage, mais le respect.

    Seule consolation en ce qui vous concerne, l’aïeule vous a probablement déjà oubliés.

    Jean-Paul Pelras

     lagri


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