• L’islam, l’islamisme et les musulmans de France ..

    L’islam, l’islamisme et les musulmans de France ..

    Crédit photo REUTERS/Robert Pratta

    Crédit photo REUTERS/Robert Pratta

    Voici un article extrait du Bulletin hebdomadaire d’André Noël n° 2392 paru le 29 septembre 2014 :

    Qui aurait pu soupçonner que notre gouvernement et la classe politico-médiatique en général abritassent autant de docteurs ès sciences islamiques et de spécialistes ès coran ! Valls a tranché : « L’Etat islamique ne représente en rien l’i-slam. » Laurent Fabius, lui, ne veut plus parler d’Etat islamique car « cela occasionne une confusion entre islam, islamisme et musulman. » Bernard Cazeneuve entonne le même leitmotiv : les actes terroristes « n’ont rien à voir avec l’islam de France », évoquant des « amalgames dont il faut se garder ». Même son de cloche, bien sûr, chez François Hollande ! Il n’y a donc au-cun rapport entre islam et islamisme. Ouf ! Seulement, sans doute, une similitude sémantique due à un curieux hasard. Ils ajoutent aussi que le coran n’approuve pas cette violence. 

    Et si on leur objecte que ceux qui ont décapité notre compatriote en Algérie et des otages en Irak le font au nom de l’islam et du coran, nos dirigeants répondent… qu’ils ont tort de s’en réclamer. C’est que Hollande, Valls, Fabius, Cazeneuve savent, eux, ce qu’est le véritable islam et n’ignorent rien du coran dont nous parions, pourtant, qu’ils n’ont jamais lu la moindre sourate ! 

    Mais, pour justifier leur toute neuve science coranique, ils nous disent que tel est aussi le point de vue des musulmans eux-mêmes dont quelques-uns, ont manifesté à Paris vendredi dernier assurant que l’islam est une religion de paix qui réprouve la violence, le terrorisme et le meurtre.

    Ces croyants-là sont sincères, on veut bien le croire. Ils parlent au nom d’un certain islam, d’une certaine interprétation du coran. Car s’il est vrai que l’on trouve dans ce livre des paroles de paix, il y en a aussi qui prônent la violence, la guerre sainte et la décapitation. Laurent Lagartempe en a dénombré plus de 400 qui tombent sous le coup du Code pénal

    Les historiens de l’islam distinguent deux périodes dans la vie de Mahomet, correspondant à deux phases de la rédaction du co-ran. Au début, à la Mecque, on ne trouve pas d’incitation à la violence ; la violence commence lorsque Mahomet s’installe à Médine – on appelle cela l’Hégire – ; on parle alors de la pério-de du « prophète en armes » ou du djihad

    C’est dans la partie du coran rédigée à ce moment-là que l’on trouve les sourates prônant la décapitation (citées dans le précédent Bulletin) et l’élimination des infidèles, notamment des « associateurs » terme désignant les chrétiens qui, pour les mahométans, associent, à travers la Trinité, d’autres dieux au Dieu unique Allah ; par exemple, la Sourate 2, versets 191 à l93 : « Et tuez-les, les associateurs où que vous les rencontriez ; et chassez-les d’où ils vous ont chassés : l’asso-ciation est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu’ils ne vous y aient combattus. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants. » 

    Historiquement, c’est l’islam de Médine qui a prévalu, c’est-à-dire celui qui entend s’imposer par la violence et la guerre. C’est d’ailleurs comme cela qu’il a conquis les pays où il est majoritai-re. L’islam de la Mecque, le premier islam, que certains appellent « modéré », est récent. Il prévaut surtout dans les pays occidentaux, quoique, là aussi, ceux qui sont favorables au djihad soient de plus en plus nombreux. 

    sourate-coran

    Les islamistes se réfèrent, coran en main, aux textes de Mahomet à l’époque de La Mecque, les autres, aux soura-tes de Médine, coran en mains aussi. Chez les musulmans, il n’y a pas de « pape », pas de magistère, pas d’autorité cen-trale, comme dans le catholicisme, qui puisse trancher entre toutes les interprétations du coran ; personne ne peut pré-tendre incarner l’orthodoxie musulmane. Hollande, Valls, Fabius, Cazeneuve eux, prétendent savoir quel est l’islam « orthodoxe » et quelle est la bonne lecture du coran. Quelle arrogance, quelle présomption ! Pour distinguer les deux lectures du même coran on a donc formé un néologisme : « islamisme » qui ne correspond à rien, ni religieusement, ni historiquement et ce pour permettre de dégager l’islam de tout soupçon de lien avec les terroristes. Or, seul le terme « islam » est à prendre en considération. 

    Le terme « oumma » exprime, lui, cette unité fondamentale : c’est la communauté de tous les croyants musulmans quels que soient leur nationalité, leur rite, leur langue. On demande aux musulmans français de désavouer les crimes qui se commettent au nom de l’islam ; il serait plus judicieux et plus intéressant de les interroger pour savoir si les « islamistes » font partie de l’oumma ou si eux, Français, considèrent faire partie de la même communauté. Leur réponse serait embarras-sée et sans doute plus complexe que d’ânonner sur tous les tons que « l’islam n’a rien à voir avec l’islamisme »… 

    Quelques mots sur la manifestation de vendredi devant la mosquée de Paris. Ils étaient seulement environ 2.000 sur plus de cinq millions et, parmi eux, des chrétiens et des membres d’autres confessions. On ne saurait dire qu’il s’a-gissait-là d’une levée en masse… Et, pourtant, nous dit-on, ce seraient eux qui auraient à pâtir de l’amalgame avec les terroristes qui parlent au nom de l’islam. Dans cette perspective, si seulement 1/5è de la communauté musulmane (c’est-à-dire un million) avaient manifesté, la démonstration eût été autrement éloquente et convaincante. Deux mille, même en y ajoutant quelques-uns en province, cela semble peu pour témoigner d’une aussi profonde indignation. 

    Interrogé sur la faiblesse de ces manifestations, l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun a expliqué que la manifes-tation ne fait pas partie de la culture arabe, que ce n’est pas un mode d’expression traditionnel. Tiens ! On se souvient pourtant des formidables mobilisations de rue lors de ce que l’on a appelé le « printemps arabe », à Tunis, au Caire, à Alger ! Mais peut-être voulait-il dire que ce n’est pas une tradition musulmane que de manifester contre d’autres mu-sulmans qui luttent contre les « infidèles » ; peut-être y a-t-il là une forme de réponse à notre question sur l’appartenance de tous les musulmans à l’oumma…


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